Armée
Comme dans tous les autres aspects, l’avènement au trône de Charles de Bourbon en 1734, à été marqué par la création d’un service militaire national, et pendant les 10 premières années de son règne, l’essentiel des forces armées fut constitué par le don que fit Philippe V à son fils de la moitié de l’armée espagnole et de la quasi totalité de l’artillerie (environ 30.000 hommes, entre l’artillerie et la cavalerie; après l’avènement du règne, il en resta environ 18.000).
Le chef général des armées était un espagnol: le duc de Charny, et c’est seulement en 1740 que fut nommé le Napolitain Francesco d’Eboli, duc de Castropignano. Assez rapidement Charles commença le recrutement et la formation des détachements appelés “nationaux”; l’un de ces régiments nationaux appelé “Terra di Lavoro” se distingua en 1744, à la bataille de Velletri contre les Autrichiens.
En ce qui concerne la marine de guerre, Charles n’en trouva aucune, celle-ci ayant été livrée par le Marquis Pallavicini à l’Empereur Charles VI. Il commença rapidement la construction d’une flotte, poussé par la nécessité de se défendre des assauts barbares (voir la rubrique dédiée à “la Marine de guerre”).
Charles œuvra à la reconstruction de l’Armée avec la création d’instituts pour la formation des officiers, à commencer par “l’Académie Royale des Gardes Etendards des Galères”, fondée le 5 décembre 1735, suivie en 1745 par “l’Académie de l’Artillerie” et en 1754 “l’Académie du Corps des Ingénieurs Militaires”, ou du génie.
Les premières réformes eurent lieu durant les premières années du règne de Ferdinand IV: en 1765, la lourde organisation espagnole fut allégée. Tous les régiments furent mis au même niveau et le régiment des “Corses” fut supprimé. La fusion de l’Académie Royale d’artillerie avec le Corps des Ingénieurs, donna naissance en 1769, à “l’Académie Royale Militaire”, son siège étant dans l’édifice de Matelotage à Santa Lucia. En 1771 est institué un corps d’élite des Cadets, appelé “Bataillon Royal Ferdinand”, ayant pour colonel le Souverain.
Non entièrement satisfait de l’éducation et de la formation des jeunes militaires, il engagea une réforme générale en 1774 prévoyant la disparition de “l’Académie Royale Militaire” et la restructuration du “Bataillon Royal Ferdinand”, dans lequel il décida de faire entrer les cadets de toutes les armées.
Il nomma cette institution: “Académie Royale du Bataillon Royal Ferdinand”; les cadets passèrent du nombre de 270, divisés en trois compagnies, à 810, divisés en neuf compagnies.
N’oublions pas en outre, “l’Ecole Royale des Pages”, fondée par le roi Charles au début de son règne, destinée à l’éducation des jeunes gens (qui auraient dû servir à la Cour et au “Collège militaire”) afin de les instruire et de leur inculquer les premiers rudiments de l’art militaire.
Certains régiments étrangers furent abolis et la répartition des officiers et des sous-officiers fut opérée avec plus d’homogénéité, dans les différents régiments.
Tous les services administratifs furent réunis sous une unique “Intendance Générale de l’Armée”.
De nombreux officiers furent envoyés en France et en Prusse pour étudier et des professeurs étrangers furent invités à Naples (c’est ainsi qu’est née l’idée de “la Nunziatella”, comme nous le verrons plus loin).
L’Infanterie fut réformée (selon le modèle prussien) et la Cavalerie (à laquelle on enleva les « Dragons ») fut constituée de 14 brigades, formant 7 divisions.
L’Artillerie, par contre, fut organisée sur le modèle français.
Selon l’usage de 1796, qui prévoyait une nouvelle forme de recrutement, l’armée fut répartie en 20 régiments d’Infanterie. Dans chaque régiment national on incorpora 600 soldats de la milice provinciale, chacun étant formé de trois bataillons.
Au total, en temps de guerre, chaque régiment était composé de 1700 hommes.
Les régiments de cavalerie étaient composés de 4 escadrons et d’un demi escadron de réserve (l’escadron était composé de 142 hommes, dont 120 hommes à cheval).
L’Etat- Major et Secondaire étaient composés de 21 hommes.
Chaque régiment d’artillerie était composé de 2 bataillons divisés en 4 brigades, chacune formée de 4 bataillons, composés de quatre compagnies, chacune contenant 51 hommes.
On passa donc de 34000 hommes aux temps de Tanucci à 58000 unités, comprises les forces provinciales.
Acton s’occupa également de la Flotte, constituée en 1799 de 28 navires “Legni Quadri” et 120 navires “Legni Sottili”. Malheureusement, pendant l’invasion du Championnet, le 8 janvier 1799 sous l’ordre de Nelson, la flotte fut incendiée complètement dans le Golfe de Naples afin de ne pas tomber dans les mains de l’ennemi (voir la rubrique dédiée à la “Marine Militaire”).
Après la parenthèse française, Ferdinand I (à l’époque roi des Deux Siciles) voulut agir avec prudence et se limita à changer le nom de “l’Ecole Royale Polytechnique et Militaire” fondée par Murat, elle devint “l’ Institut Royal Polytechnique Militaire”.
Avec la Restauration et la fusion des deux royaumes en “Royaume des Deux Siciles”, il y eut aussi la fusion complète des forces armées napolitaines et siciliennes. Pendant les dernières années du règne de Ferdinand I et par la suite sous François Ier, on s’occupa surtout de la reconstruction de la Flotte, mais on parvint également à changer les Instituts de formation militaire.
Le 1er janvier 1819, une nouvelle institution fut créée prévoyant ainsi trois établissements: le “Collège Royal Militaire” dont le siège fut à Pizzofalcone (la Nunziatella), ayant pour rôle de fournir des officiers d’artillerie au Génie et à l’Etat-Major; “l’Académie Royale Militaire”, dont le siège fut à San Giovanni à Carbonara, ayant pour rôle de fournir des officiers pour tous les autres Corps et de servir d’école préparatoire au “Collège Royal Militaire”; les “Ecoles Militaires”, ayant pour rôle de fournir des sous-officiers et de servir d’école préparatoire à “l’Académie Royale Militair”.
Cependant, en 1821, après les mouvements révolutionnaires de l’année précédente qui montrèrent une participation active de la part des officiers, Ferdinand Ier décida de révoquer l’Institution de 1819 et de ne laisser en place que la Nunziatella, considérablement réduite et bien “contrôlée”.
La réforme de Ferdinand II
En 1830, les choses changèrent considérablement (comme pour tous les autres domaines), avec l’accession au trône de Ferdinand II.
Ferdinand II réalisa une réforme radicale et générale des forces armées de terre (avec la précieuse contribution du Prince Carlo Filangieri di Satriano), en vertu de laquelle différentes institutions sont apparues au cours des dernières années du règne, structurées ainsi:
ETAT-MAJOR: Compagnie des Guides de l’Etat-Major (1 à pied et 1 à cheval);
GARDES DU CORPS ROYAUX: 1 compagnie à cheval et 1 à pied;
GARDE D’HONNEUR: un escadron pour chaque province du Royaume;
CORPS DE LA GARDE ROYALE: 1 Brigade Grenadiers, 1 Régiment Tirailleurs, 1 Brigade Cavalerie Légère, 1er et 2eme Régiment Hussards;
INFANTERIE DE LIGNE: Régiments: Roi, Reine, Prince, Princesse, Bourbon, Farnèse, Naples, Calabre, Pouilles, Abruzzes, Palerme, Messine, Lucanie, et 12 régiments de Chasseurs de Ligne;
TROUPES SUISSES: 4 Régiments d’Infanterie, 1 Corps d’Artillerie, 13eme Régiment des Chasseurs de Ligne;
CAVALERIE DE LIGNE: 2 Régiments de Dragons (Roi et Reine), 2 Régiments de Dragons, 1 Régiment de Carabiniers, 1 Régiment de Chasseurs;
REGIMENTS ROYAUX DES VETERANS – ARTILLERIE: 2 Régiments (Roi et Reine), 1 Compagnie d’Artillerie à cheval, 1 Brigade d’Artilleurs, 1 Bataillon du Train et du Corps des Artilleurs du Littoral;
CORPS ROYAL DU GENIE: Bureau Topographique, 1 Bataillon de Sapeurs-Mineurs et Pionniers, Bureau des Fortifications.
Dans l’ensemble, «l’Armée napolitaine rejoignit un haut niveau d’efficacité avec un nombre allant jusqu’à 100000/110000 hommes en cas de guerre, empêchant ainsi la dynastie d’être renversée par les libéraux».
Au moment de l’invasion garibaldienne, l’armée comptait «plus de 120000 effectifs entre la Garde royale, l’infanterie, la cavalerie, l’artillerie et le génie, dotés d’armes de premier ordre, convenablement formés, supportés par des structures logistiques de bon niveau».
D’autre part la Marine de guerre était si importante et moderne «que vu le nombre d’embarcations (plus de 100 entre les grandes, moyennes et petites), le volume total pris par la flotte, le pourcentage de navires à vapeur et la puissance de feu, on se trouvait devant la plus grande des flottes militaires des Etats Italiens antérieurs à l’unité de l’Italie. Elle figurait en troisième position au niveau Méditerranéen, précédée seulement par celles de l’Angleterre et de la France».
Les détachements fidèles à la Couronne surent racheter le déshonneur de tant de traîtres avec la résistance héroïque des forteresses de Messine, Civitella del Tronto et Gaeta, ainsi que durant les longues années de guerre civile méridionale, défendant les droits de légitimité de François II de Bourbon des Deux Siciles.
La Nunziatella
Nous avons déjà vu qu’en 1782 le Ministre Acton envoya des jeunes officiers étudier «les nouveaux règlements des troupes, l’organisation des Instituts d’éducation militaire et les plus récentes découvertes dans les services du Génie et de l’Artillerie».
Parmi eux, le Lieutenant Giuseppe Parisi, de retour en 1785, présenta un rapport précis et un projet pour une nouvelle Académie «laquelle aurait proposé le meilleur de ce qu’il avait observé, sans être toutefois la copie d’un autre Institut d’éducation militaire».
La proposition fut prise très au sérieux par le Roi et par le Ministre Acton, si bien que le 27 octobre 1786 Ferdinand établit “l’Académie Royale Militaire”, remplaçant ainsi tous les instituts militaires. Il en établit le siège dans les bâtiments de “la Nunziatella”, où se trouvait déjà le siège du noviciat des jésuites.
«Dans un lieu charmant, adossé à la colline verdoyante et abrupte allant vers la plage de Chiatamone, devant le château “dell’Ovo”, le nouveau siège, vaste et majestueux, était un coin de paradis comme le décrivait Goethe (…)
En dessous de vous il y a la mer, avec la vue de Capri, Posillipo, à droite vous avez la promenade de la Villa Royale, la grotte; à gauche un édifice antique appartenant aux jésuites et au delà duquel on aperçoit la côte s’étendant de Sorrente à Capo Minerva».
Les cours commencèrent officiellement le 18 novembre 1787.
En 1798, l’Ordonnance pour l’Académie Royale Militaire fut adoptée grâce au Lieutenant Parisi, décrite ainsi par Catenacci: «merveilleux pour développer la sagesse, la prescience, l’ordre et la précision. L’éducation, considérée en pareille ordonnance est triple et doit comporter celle du corps, de l’esprit et du cœur: ceci est la vraie éducation, parce qu’elle est accomplie, non mutilée et harmonieuse.
On cherche à développer l’amour de l’étude, et à habituer le jeune au raisonnement; ils s’unissent dans les sciences théoriques et pratiques. Une place importante est donnée à la littérature et à l’exercice de l’écrit ; l’on veille à inculquer le sens du devoir, la loyauté, et la camaraderie». Les élèves étaient repartis en 4 brigades, et les classes en neuf niveaux.
Le corps des officiers était composé de: le Commandant de l’Académie, le commandant en second et l’inspecteur des études (rôle de Parisi après sa promotion), 1 major, 4 capitaines, 7 lieutenants, 7 porte-drapeaux, 1 officier de détail, 1 quartier-maître, et 2 aumôniers.
En ce qui concerne le corps enseignant, il suffit de dire que quelques uns parmi les plus prestigieux représentants de la culture méridionale du XIX siècle y enseignèrent.
En réalité, nous ne pouvons pas oublier le fait que pendant la République Parthénopéenne de 1799 ainsi que durant la période de Murat, peu d’officiers et d’étudiants trahirent leurs bienfaiteurs. Malgré tout, Ferdinand, lors de la première Restauration de juillet 1799 et la seconde de 1815, ne voulut pas fermer l’Académie Royale Militaire, une des belles création des Bourbon.
Cependant, malgré tant de générosité, à l’occasion des mouvements constitutionnels de 1820 et ceux de 1848, quelques représentants trahirent les Bourbon.
Mais Ferdinand I (une nouvelle fois), ainsi que Ferdinand II voulurent maintenir en vie le Collège:
ils le déplaçèrent à Maddaloni en 1854, puis François II le ramena à Pizzofalcone en 1859 sous l’ordre de Filangieri.
Les évènements de 1860, jusqu’à la résistance de Gaeta, marquèrent dramatiquement, comme il est facile d’imaginer, les officiers et les élèves de la Nunziatella. Même si à cette occasion certains décidèrent de trahir leurs Souverains et bienfaiteurs, la grande majorité resta en réalité fidèle à la dynastie, et beaucoup allèrent combattre la résistance de Gaeta à la fois héroïque et tragique au côté de François II et de Marie Sophie.